Interview de Klaus MANGOLD, Président du Conseil de surveillance de TUI AG
Conrad ECKENSCHWILLER
Les deux révolutions, circulaire et digitale, (cf. article dans Régions en mouvement) vont interagir l'une sur l’autre évidemment. Les solutions sont à trouver sur place (et pas au plan national) dans des collaborations entre le secteur public et les entreprises. L'Allemagne a cette culture fédérale, décentralisée, de proximité, d'efficacité ; pas la France.
Comment les Länder allemands abordent-ils ces deux révolutions ? Task forces spécifiques ? Initiatives publiques ? privées ?
Et est-ce que ces évolutions peuvent affecter les relations entre les Länder et le Bund (gouvernement fédéral) ?
Klaus MANGOLD
Il faut bien avoir à l'esprit que les Länder allemands ont une tradition d'échange étroit avec le monde industriel et économique, tradition qui s'est beaucoup renforcée, à la fin de la deuxième guerre mondiale, quand l'Allemagne était ruinée. D'où un dynamisme très fort au début des années 50, et un rôle majeur dans les restructurations économiques et politiques. Ils ont alors développé une grande expérience dans ces domaines, cette activité et cette expérience étant dès lors toujours reconnues aujourd'hui, après plus de 60 années d’expérience, par la très grande majorité des citoyens allemands et des entreprises.
Ils n'ont pas hésité à prendre des initiatives pour faire travailler ensemble les différents acteurs. Citons par exemple :
- en Rhénanie, dans la Ruhr, le développement industriel opéré autour des industries du charbon, de l’acier, de l’énergie… basé sur les relations entre les mondes politiques, économiques, sociaux ;
- en Bavière, où s’est opéré le passage d’un monde agricole à un « futur » basé sur le rapprochement industries / universités / centres de recherche, grâce à un dialogue permanent entre le Land et les BMW, Airbus, Siemens… notamment sur le terrain de la formation et du dialogue social – car les organisations syndicales sont toujours présentes ;
- idem dans le Bade Wurtemberg caractérisé, avec l’appui du Land, par des relations tout à fait étroites entre les grandes entreprises automobiles (Audi, Porsche, Daimler) et le réseau des sous-traitants régionaux.
Et, fait notable, cette qualité des relations se poursuit, quelle que soit la couleur politique des gouvernements des Länder. Aujourd'hui par exemple, le gouvernement « vert » du Bade Wurtemberg est engagé dans un dialogue soutenu avec les industriels pour rechercher, ensemble, dans le contexte de mise en cause du diesel, un nouvel équilibre qui puisse concilier au mieux la défense de l’environnement, la défense de l’emploi, et la défense des industries. On retrouve dans cet exemple la notion, très ancrée en Allemagne, de cluster, et de défense d’une chaîne de valeur.