Aider les jeunes à trouver un emploi exige de solutionner une équation à multiples inconnues : que souhaitent réellement les jeunes ? savent-ils bien s'orienter ? les entreprises ne sont-elles pas trop frileuses ? de quels jeunes parle-t-on ? etc.
La recherche de solutions innovantes mobilise tous les acteurs de la vie économique et sociale : élus, associations, monde de l'enseignement et monde de l'entreprise. Parmi eux, depuis trente ans, l'association Jeunesse et Entreprises, avec un réseau de dizaines de clubs régionaux, réfléchit aux données du problème et expérimente des solutions.
Le diagnostic est relativement facile à établir :
- Les jeunes ne connaissent pas le monde professionnel car aucun cours ne peut vraiment y préparer : quand on demande à un groupe de futurs alternants ce qui les préoccupe, ils répondent que l'entreprise « est un trou noir qui va les happer »… Les enseignants confirment ce besoin d'information. Les parents craignent les orientations « voie de garage ». Les non dits sont innombrables et sont un des facteurs bloquants d'une intégration professionnelle réussie.
- Les entreprises quant à elles sont réticentes, pas toujours comme on le croit pour des raisons financières mais parce qu'elles craignent la méconnaissance des codes professionnels, les difficultés d'insertion des jeunes, leur tendance parfois à décrocher, etc.
Le constat pourrait être pessimiste : pourtant, il existe de nombreuses initiatives qui montrent que des solutions existent et qu'elles peuvent être renforcées par les collectivités territoriales en charge des formations en alternance notamment.
Par exemple :
- Pour faire découvrir l'entreprise aux enseignants, il existe des formules dites « d'échanges à bâton rompu » où sans préparation des petits groupes de professeurs rencontrent les responsables des principales fonctions d'une entreprise et débattent avec eux de leurs missions, de leurs stratégies, de leurs modes opératoires, de leurs succès mais aussi de leurs difiicultés et contraintes. Ces visites de proximité font connaitre la réalité professionnelle. Les autorités du territoire pourraient les « populariser » en contribuant à leur extension.
- Pour les jeunes, des « ateliers de confiance en soi » animés par des coachs professionnels qui consacrent à « la cause » une partie de leur temps permettent de mobiliser leurs ressources internes et de se préparer à un univers différent de celui qu'ils connaissent. L'ingénierie du dispositif ainsi que ses frais d'organisation et de déploiement pourraient aussi s'inscrire dans des plans régionaux comme ceux qui existent déjà (Île-de-France et Hauts-de-France sur le thème « booster l'apprentissage »).
- Des conférences expliquent aux jeunes les « réalités de l'entreprise d'aujourdhui » – ses contraintes, ses modes d'organisation, l'impact du numérique – ce qui permet de leur expliquer quelles sont les qualités recherchées comme l'autonomie, la résilience, l'aptitude au travail collectif, etc. Elles pourraient être parrainées par les services de développement économique des régions. On pourrait en profiter pour leur expliquer qu'un hôpital, un lycée, des agences régionales… sont, au delà des différences juridiques, des « entreprises » avec des objectifs, des moyens, des règles de fonctionnement et des contrôles.
- Enfin, les entreprises peuvent être davantage sensibilisées à leur responsabilité : un proviseur disait un jour devant un panel de chefs d'entreprise « osez faire confiance aux jeunes ». Dans ce domaine, la répétition fait partie de l'argumentaire.
Des initiatives favorables aux jeunes pourraient être rapidement prises :
- On pourrait aller vers une utilisation plus dynamique des périodes d'essai avec des mécanismes d'alerte pour anticiper les décrochages et les erreurs de « casting » : même les CDI ont leur période d'essai, est-on sûr de toujours bien la gérer ?
- On pourrait aussi convaincre des collectifs d'entreprise qui entreprendraient une révision du rôle des maîtres d'apprentissage, moins chargés de l'encadrement d'une tâche et plus investis d'une mission d'explication des « interfaces », omniprésents dans l'entreprise du 21e siècle.
Ces formules pourraient concerner les services publics des collectivités territoriales qui seraient sur ce sujet exemplaires en matière d'accueuil, de suivi et d'aide à la sortie « vers l'emploi » : l'apprentissage ne concerne pas que le secteur privé et les entités publiques peuvent – et se doivent – d'être innovantes sur ces sujets sinon elles auront des difficultés à entraîner les entreprises dans le mouvement.
D'autres idées sont à creuser :
- Certaines entreprises n'hésitent pas à se rallier au mentoring inversé en considérant que les jeunes bousculent par leurs idées neuves les méthodes et les raisonnements des seniors : ils introduisent aussi la culture du numérique.
- D'autres entreprises illustrent leur sens de la RSE – et leur notation extrafinancière – par un appel systématique aux alternants : les PME restent encore à sensibiliser mais l'exemple des travaux du Grand Paris où 5% des emplois créés doivent aller à des personnes en insertion marque les esprits. Peut être conviendra-t-il de préciser dans l'avenir que la commande publique attend des recrutements de « jeunes » ?
Les collectivités territoriales ont un rôle clé à jouer pour expliquer la portée des « clauses sociales » figurant maintenant dans de nombreux appels d'offres : les responsables des territoires ne devraient-ils pas prendre en charge ou déléguer cette pédagogie sur l'emploi jeune ?
L'association Jeunesse et Entreprises pour sa part a proposé que si la norme ISO 26000 consacrée à la RSE était révisée, quelques lignes soient introduites dans une nouvelle version pour faire de l'emploi des jeunes un critère qualifiant.
Comme on peut le constater, développer l'emploi des jeunes en France ne passe ni par l'incantation ni par des vieux mécanismes administratifs.
« On n'a pas tout essayé » et il existe une ingéniérie de l'emploi des jeunes qui suppose un ensemble d'actions coordonnées réunissant des acteurs de bonne volonté.
Parmi ceux-ci, les territoires ont incontestablement un rôle majeur à jouer : les élus en tout premier plan appuyés sur les services de l'État – une occasion de revaloriser l'utilité sociale des sous-préfets ? – en liaison avec la société civile…
Cette ingénierie est disponible : elle ne demande qu'à être mise en œuvre à travers une démarche dans laquelle la pédagogie et la conviction sont déterminantes.
C'est un nouveau champ pour des politiques publiques d'animation, de mises en réseau et de co-construction entre partenaires qui souvent s'ignorent mais dont les initiatives ne demandent qu'à être fédérées et impulsées.
Mettons tout ceci en œuvre sans tarder : il y va de l'avenir des jeunes.