1/ Le premier défi concerne le passage obligatoire dans les années à venir, dans chaque région, de l'économie linéaire traditionnelle (« je m’en occupe, vous payez ») à l'économie circulaire (« nous économisons, nous trions, nous recyclons »). Nous. Ensemble.
Le sujet, vital pour la planète et pour l'homme, est de solder et d'éliminer les conséquences négatives des trois premières révolutions industrielles ; elles ont apporté les énormes progrès du monde depuis deux siècles, en considérant que les ressources de la planète étaient inépuisables, et en ignorant les conséquences lourdes des technologies, dont l'emblème, qui cache un peu la forêt (déchets par exemple) est le réchauffement climatique et ses tragédies à venir. Il faudra désormais tout économiser, récupérer, recycler, réutiliser, inventer des nouveaux procédés, des nouveaux métiers… Sur place. Comment ? Qui ? Où ? Quand ?
2/ Le deuxième défi est l'explosion de la quatrième révolution industrielle, internet, la numérisation, les objets connectés, en un mot le digital. Qui génère, va générer des innovations « quotidiennement », des bouleversements (dont dans les métiers, donc dans la vie de chacun) en proposant, en mettant à disposition de ceux qui sauront les saisir, des solutions nouvelles, écologiquement « propres », totalement innovantes, à des problèmes qu'il aura d’abord fallu poser. Sur place bien sûr. Problèmes nés du premier défi, nés des conséquences des trois premières révolutions industrielles pour lesquelles la population exigera des solutions ; ces solutions avec la révolution digitale ne se trouvent – et pour cause – dans aucun text book ou dans aucune circulaire ministérielle. Mais dans l'imagination des acteurs, dans la recherche, les startups sur place ou venues d’ailleurs. Solutions pour la qualité de la vie sur place, pour la planète, pour l’économie (de demain) pour l'emploi (de demain), mais également solutions pour les conséquences parfois sociales et pour l'augmentation des inégalités parfois corollaire de la révolution digitale.
Tous les pays, toutes les régions du monde, sont désormais confrontés à ces défis, qui sont liés et dont les solutions, durables ou non, jailliront de la qualité des mariages qui seront organisés entre l'ensemble des parties prenantes à ces révolutions.
3/ Mais les Régions françaises sont confrontées, en raison de l'Histoire de la France, à un troisième défi : oublier Colbert et les trois siècles où l'État était à la base de la grande réussite de la France dans le monde. À la différence par exemple de pays, donc de régions, voisins, donc proches concurrents, la France a grandi avec une césure, qui est devenue culturelle, entre la secteur public, noble, désintéressé qui pense au bien commun et le secteur privé, les entreprises ayant initialement pour objet « l'intérêt des associés ». Cette dichotomie ne contribue pas, au contraire, à traiter – tout et tous ensemble – le premier et le deuxième défi.
Or c’est indispensable, fondamental pour figurer dans les vainqueurs. Ce rapprochement doit se faire sur place, au plus près des problèmes et du terrain. Avec les entreprises maintenant conscientes de leurs responsabilités, adeptes et actives dans la RSE et le Global Compact. Et bien sûr avec les citoyens et les réseaux sociaux, parties prenantes via les applis.
La chance des Régions est la décision de l'État d’avoir mis en place des Régions plus grandes pour qu'elles soient plus compétitives et de leur donner plus de moyens. Mais Moyens n’est pas synonyme de Pouvoir. Il ne suffit pas de donner le pouvoir ; il faut qu’il soit pris, et ce dans un contexte totalement nouveau : mettre ensemble tous les acteurs, publics, privés, ONG, startups (souvent quasi inconnues), les réseaux sociaux, les citoyens, les applications digitales. Passer d’une culture où les relations public-privé étaient, par construction, contractuelles, avec un donneur d'ordres public, à des relations qui ne seront plus contractuelles (comment faire un contrat avec une appli ?). Chance donc pour la Région de pouvoir se positionner au centre d’un nouveau « tissu » (et non plus système). Donc chance à saisir de suite d'être le catalyseur de révolutions entre problèmes vitaux à résoudre, solutions nouvelles à inventer, par et avec les entreprises et les citoyens parties prenantes. Et également, en étant impliqué dans le dispositif, chance d’être dès l’origine partie prenante pour apporter des réponses aux inévitables conséquences inégalitaires de la révolution digitale. Avant qu’il ne soit trop tard.
Le risque important pour les Régions est moins de manquer cette chance dans l’absolu, que d'attendre trop pour la saisir et la réaliser : dans chaque Région, des villes vont mettre en œuvre, il y a déjà des cas hors de France, ce qui est appelé smart city, mal traduit par « ville intelligente » (smart signifiant malin, astucieux, imaginatif), pour traduire les progrès du digital en progrès urbains, la puissance du digital permettant par exemple, dans certains cas, de compenser les déficiences du service public ; en mettant également en place grâce au digital une économie collaborative (avec des smart citizens) etc.
Donc, dans chaque Région qui choisira d’attendre, des villes vont relever les deux premiers défis en les associant pour leur apporter des solutions pour elles seules « hors Région ». Alors que d’autres villes et zones rurales, d’autres difficultés attendront que la Région s’occupe d’elles… La Région qui ne participera pas très tôt se trouvera donc en charge des questions les plus difficiles qui n'auront pas été résolues par les premiers et des éventuelles conséquences de décisions prises par d’autres.